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« Qu’il me réponde donc je l’en supplie, cet hébété vulgaire qui ne croit être homme, que parce qu’un Docteur le lui a dit ! Supposé qu’il n’y ait qu’une matière comme je pense l’avoir assez prouvé, d’où vient qu’elle se relâche et se restreint selon son appétit ? d’où vient qu’un morceau de terre à force de se condenser s’est fait caillou ? Est-ce que les parties de ce caillou se sont placées les unes dans les autres, en telle sorte que là où s’est fiché ce grain de sablon, là même où dans le même point loge un autre grain de sablon ? Tout cela ne se peut, et selon leur principe même puisque les corps ne se pénètrent point ; mais il faut que cette matière se soit rapprochée, et si vous voulez, se soit raccourcie en sorte qu’elle ait rempli quelque lieu qui ne l’étoit pas.

« De dire que cela n’est point compréhensible qu’il y eût du rien dans le monde, que nous fussions en partie composés de rien : hé ! pourquoi non ? Le monde entier n’est-il pas enveloppé de rien ? Puisque vous m’avouez cet article, confessez donc qu’il est aussi aisé que le monde ait du rien dedans soi qu’autour de soi.

« Je vois fort bien que vous me demanderez pourquoi donc l’eau restreinte par la gelée dans un vase le fait crever, si ce n’est pour empêcher qu’il ne se fasse du vide ? Mais je réponds que cela n’arrive qu’à cause que l’air de dessus qui tend aussi bien que la terre et l’eau au centre, rencontrant sur le droit chemin de ce pays une hôtellerie vacante, y va loger : s’il trouve les pores de ce vaisseau, c’est-à-dire les chemins qui conduisent à cette chambre de vide trop étroits, trop longs et trop tortus, il satisfait en le brisant à son impatience pour arriver plus tôt au gîte.

« Mais sans m’amuser à répondre à toutes leurs objections, j’ose bien dire que s’il n’y avoit point de vide il n’y auroit point de mouvement, ou il faut admettre la