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une Taupe, qui auſſi-toſt entrerent dans les cernes en jettant un formidable cry. Avec un coûteau d’airain, il leur fendit l’eſtomach, puis leur ayant arraché le cœur, & envelopé chacun dans trois feüilles de Laurier, il les avala. Il ſepara le foye, qu’il épreignit dans un vaiſſeau de figure exagone : Cela finy il recommença les ſuffumigations ; Il méla la roſée, & le ſang dans un baſſin, y trempa un Gand de Parchemin Vierge, qu’il mit à ſa main droite, & aprés quatre ou cinq hurlemens horribles, il ferma les yeux & commença les invocations.

Il ne remuoit preſque point les levres ; j’entendois neanmoins dans ſa gorge, un broüiſſement comme de pluſieurs voix entremélées. Il fut élevé de terre à la hauteur d’une palme, & de fois à d’autre il attachoit fort attentivement la veuë ſur l’ongle indice de ſa main gauche. Il avoit le viſage enflâmé, & ſe tourmentoit fort. En ſuite de pluſieurs contorſions épouvantables, il cheut en gemiſſant ſur ſes genoux ; mais auſſi-toſt qu’il eut articulé trois paroles d’une certaine Oraiſon, devenu plus fort qu’un homme, il ſoûtint ſans vaciller les monſtrueuſes ſecouſſes d’un vent épouvantable qui ſouffloit contre luy, tantoſt par bouffées, tantoſt par tourbillons ; ce vent