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qu’enſuite de ce funeſte Metheore nous pouvons paſſer au vin, puis que c’eſt un Tonnerre liquide, un courroux potable, & un trépas qui fait mourir les Yvrognes de ſanté. Il eſt cauſe, le furieux, que la definition qu’Ariſtote a donnée pour l’homme, d’animal raiſonnable, eſt fauſſe, au moins pour ceux qui en boivent trop ; mais ne vous ſemble-t’il pas qu’on peut dire du Cabaret, que c’eſt un lieu où l’on vend la folie par bouteilles, & je doute meſme s’il n’eſt point allé iuſques dans les Cieux faire ſentir ſes fumées au Soleil, voyant comme il ſe couche tous les jours de ſi bonne heure. Quelques Philoſophes de ce Siecle en ont tant avalé, qu’ils en ont fait piroüetter la terre deſſous eux ; & ſi veritablement elle ſe meut, je penſe que ce ſont des SS. que l’yvrognerie luy fait faire. Pour moy je porte tant de haine à ce poiſon, qu’encore que l’eau de vie ſoit un venin beaucoup plus furieux, je ne laiſſe pas de luy pardonner, à cauſe que ce m’eſt un témoignage qu’elle luy a fait rendre l’eſprit. Nous voila donc en ce temps condamnez à mourir de ſoif, puis que noſtre breuvage eſt empoiſonné voyons ſi noſtre manger que l’Automne nous étend ſur la terre, comme ſur une table, eſt moins dangereux que ſa boiſſon. Helas !