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voyant qu’à toute heure elles ſe divertiſſent à nous effrayer ; voyez comme il monte au plus haut de noſtre horiſon pour les mettre à nos pieds, & pour les recogner ſous terre, d’où elles font parties. Quelque haine cependant qu’il leur porte, quelque proche de leur fin qu’elles ſe trouvent, il leur donne la vie quand nous nous mettons entre deux ; c’eſt pourquoy ces Filles de la nuit courent tout à l’entour de nous pour ſe tenir à couvert des armes du Soleil ; ſçachant bien qu’il aimera mieux s’abſtenir de la victoire, que de ſe reſoudre à les tuer au travers de nos corps. Ce n’eſt pas que durant toute l’année il ne ſoit pour nous tout en feu ; & il le montre aſſez, n’en repoſant ny nuit ny jour : Mais en Eſté toutefois ſa paſſion devient bien autre ; il brûle, il court, il ſemble deſcendre de ſon cercle, & ſe voulant jetter à noſtre col, il en tombe ſi prés, que pour legere que ſoit l’Eſſence d’un Dieu, la moitié des hommes degoute de ſueur en le portant. Nous ne laiſſons pas toutefois de nous affliger quand il nous quitte, les nuits meſmes ſympatiſant à ſa complexion, deviennent claires & chaudes, à cauſe qu’à ſon départ il a laiſſé ſur l’Horiſon une partie de ſon équipage, comme ayant à y revenir bien-toſt. Le mois de May veritable-