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préſage qu’elle n’a point chaſſé de deſſus l’Hemiſphere. Par tout on voit la Nature accoucher, & ſes enfans à meſure qu’ils naiſſent, joüer dans leur berceau. Conſiderez le zephyre qui n’oſe quaſi reſpirer qu’en tremblant, comme il agite les bleds & les careſſfe : Ne diriez-vous pas que l’herbe eſt le poil de la terre, &: que ce vent eſt le peigne qui a ſoin de le démêler ? Je penſe meſme que le Soleil fait l’amour à cette Saiſon, car j’ay remarqué qu’en quelque lieu qu’elle ſe retire, il s’en approche toûjours. Ces inſolens Aquilons qui nous bravoient en l’abſence de ce Dieu de tranquillité (ſurpris de ſa venuë) s’uniſſent à ſes rayons pour obtenir la paix par leurs careſſes, & les plus coupables ſe cachent dans les Atômes & ſe tiennent coys ſans bouger, de peur d’eſtre reconnus : Tout ce qui ne peut nuire par ſa vie eſt en pleine liberté. Il n’eſt pas juſqu’à noſtre ame qui ne ſe répande plus loin que ſa priſon, afin de montrer qu’elle n’en eſt pas contenuë. Je penſfe que la Nature eſt aux Nopces, on ne voit que danſes, que concerts, que feſtins ; & qui voudroit chercher diſpute, n’auroit pas le contentement d’en trouver, ſinon de celles qui pour la beauté ſurviennent entre les fleurs. Là poſſible au ſortir du combat un Oeillet tout ſanglant