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des qu’ils ont ; & s'il meurt, chacun s’écrie que c’eſt un habile homme, & qu’il l'avoit bien dit. Mais admirez l’effronterie de mon Bourreau, plus je ſens empirer le mal qu’il me cauſe par les remedes, & plus je me plains d’un nouvel accident, plus il témoigne s’en réjoüir, & ne me penſe d’autre choſe, que d’un tant mieux. Quand je luy raconte que je ſuis tombé dans une ſincope létargique, qui m’a duré prés d’une heure, il répond que c’eſf bon ſigne ; Quand il me void entre les ongles d’un liux de ſang qui me déchire, bon, dit-il, cela vaudra une ſaignée ; Quand je m’attriſte de ſentir comme un glaçon qui me gagne toutes les extremitez, il rit en m’aſſurant qu’il le ſçavoit bien, que ſes remedes éteindroient ce grand feu ; Quelquefois meſme que ſemblable à la mort, je ne puis parler, je l’entends s’écrier aux miens qui pleurent de me voir à l’extrémité : Pauvres gens que vous eſtes, ne voyez vous pas que c’eſt la fiévre qui tire aux abois ? Voila comme ce traître me berce ; & cependant à force de me bien porter, je me meurs. Je n’ignore pas que j’ay grand tort d’avoir reclamé mes ennemis à mon ſecours : Mais quoy pouvois-je deviner que ceux dont la Science fait profeſſion