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sation commune du genre ou de la famille, c'est qu'on n'exclue aucune des espèces que cette organisation commune rassemble.

Ainsi, la première condition est de déterminer les espèces ; la seconde est de les rapprocher d'après des caractères gradués selon leur importance ; la troisième est de subordonner toute méthode ou distribution générale à ces déterminations et à ces rapprochements.

Mais c'est ici la guerre perpétuelle d'Oromase et d'Arimane, de l'esprit du bien et de l'esprit du mal dans les sciences, de l'esprit d'observation et de l'esprit de système. L'esprit de système part d'un caractère, pris à priori, et soumet violemment la distribution des espèces à ce caractère. Linnæus ne voit, en botanique, que les étamines, et il rapproche le chêne et la pimprenelle ; Bloch ne voit, en ichthyologie, que le nombre des nageoires, et il met la raie près du brochet.

L'esprit d'observation suit une marche précisément inverse. Il détermine d'abord les espèces ; les espèces connues, il les rapproche en genres, en familles ; ces rapprochements opérés, il lie les groupes qui en résultent par une distribution générale ; et, cette distribution générale, il la soumet partout à la condition de ne rompre ou de n'altérer aucun de ces groupes. En un mot, l'esprit de système classe sans connaître ; l'esprit d'observation, au contraire, cherche d'abord à connaître, et il ne fait ensuite de toute classification générale que l'expression abrégée de ce qu'il connaît.

On voit par là que le mérite essentiel de toute bonne méthode générale consiste surtout à ne pas rompre le rapprochement naturel des espèces. Au lieu donc de chercher, à l'exemple de tant d'ichthyologistes, à ajuster, si je puis ainsi dire, les espèces à la classification, M. Cuvier a, pour la première fois, renversé le problème ; il a cherché une classification qui s'ajustât enfin aux espèces.

Une première coupe lui donne d'abord les deux grandes classes des poissons cartilagineux et des poissons osseux. Une seconde sépare des poissons osseux ordinaires tous les poissons à structure anomale, les syngnathes, les tétrodons, les diodons, etc. Restent les poissons osseux ordinaires qu'une troisième coupe partage en poissons à nageoires molles ou malacoptérygiens, et en poissons à nageoires épineuses ou acanthoptérugiens.

Des divisions d'un degré moins élevé distinguent ensuite les poissons cartilagineux : en sturoniens, dont les branchies sont libres, et en plagiastomes et syclostomes, dont les branchies sont fixes ; les poissons anomaux : en lophobranches, dont les branchies sont en forme de houpe, et en plectognathes, dont l'intermaxillaire est soudé avec le maxillaire et l'arcade palatine avec le crâne ; les malacoptérygiens : en subranchiens, abdominaux et apodes, selon que le bassin est attaché aux os et de l'épaule, ou qu'il est simplement suspendu dans les chairs du ventre, ou que les nageoires ventrales manquent ; et, quant aux acanthoptérygiens, comme, ainsi qu'il l'a reconnu, tous ces poissons ne composent qu'un ordre naturel, ou, en d'autres termes, comme tous les genres, comme toutes les familles de ce grand ordre se lient les unes aux autres par des rapports plus ou moins mar-