trompée. il s’affligeait même de la facilité avec laquelle de jeunes chimistes se permettaient de revenir sur ses travaux, et quelquefois de les critiquer, comme s’il eût pu espérer de trouver un Vauquelin dans chacune de ses élèves, en un siècle où il est déjà si extraordinaire d'avoir vu un exemple d’un pareil dévouement.
Ce désir extrême d’occuper sans cesse dans l'esprit des autres une place favorable, inspirait à M. de Fourcroy des efforts qui redoublaient à mesure que le théâtre où ses talents le portaient était plus élevé, et qu’il se trouvait plus de gens intéressés à lui enlever cette jouissance. Son ardeur pour ses nouveaux devoirs ne refroidissait en rien celle qu’il portait aux anciens. Depuis plusieurs années conseiller d’État, et chargé d’une administration compliquée, il ne faisait guère moins d’expériences, de mémoires et de leçons, que lorsque tout son temps appartenait aux sciences.
À la fin, des travaux si multipliés et que les dispositions de son caractère mêlaient de tant de soucis, attaquèrent son organisation. Des palpitations, sur lesquelles un médecin ne pouvait se méprendre, lui annoncèrent son sort. Il le prévit avec plus de calme qu’il n’avait supporté les contrariétés de sa double existence. À voir son assiduité au travail, à l'entendre parler, personne ne l’aurait cru malade ; lui seul ne fut pas trompé un instant. Pendant près de deux années, il s’attendit, pour ainsi dire, chaque jour, au coup fatal. Saisi enfin d’une atteinte subite, au moment où il signait quelques dépêches, il s’écria : Je suis mort, et il l'était en effet.