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On vient de voir comment, dès les premières figures d'histoire naturelle qui lui tombent entre les mains, notre naturaliste, encore enfant, conçoit tout à coup l'heureuse idée de les enluminer d'après les descriptions.

Étant à Stuttgard, un de ses professeurs, dont il avait traduit les leçons en français, lui fait présent, à son tour, d'un Linnæus. C'était la dixième édition du Système de la nature ; et ce livre fait, à lui seul, pendant plus de dix ans, toute sa bibliothèque d'histoire naturelle.

Mais, à défaut de livres, il avait les objets ; et cette étude directe, exclusive, des objets, les lui gravait bien mieux dans la tête que s'il avait eu, je me sers de ses propres expressions, que s'il avait eu à sa disposition beaucoup d'estampes et de descriptions. N'ayant, d'ailleurs, ni ces figures, ni ces descriptions, il les faisait lui-même.

Cependant toutes ces excursions dans l'histoire naturelle n'avaient point nui aux études prescrites ; il avait remporté presque tous les prix ; il avait obtenu l'ordre de chevalerie qui ne s'accordait qu'à cinq ou six parmi tous ces jeunes gens ; et, selon toutes les apparences, il devait être promptement placé.

Mais, fort heureusement pour lui, et plus heureusement encore pour l'histoire naturelle, car ces deux destinées sont désormais inséparables, la position de ses parents ne lui permettait pas d'attendre.

Il lui fallut donc prendre un parti ; une place de précepteur lui ayant été offerte dans une famille de Normandie, précisément dans le mois de sa sortie de Stuttgard, il se hâta de l'accepter ; et il partit aussitôt pour Caen, où il arriva, au mois de juillet 1788, âgé d'un peu moins de 19 ans.

Dès ce moment, sa passion pour l'histoire naturelle prit une nouvelle vigueur. La famille d'Hérici, chez laquelle il était, alla bientôt résider dans une campagne du pays de Caux, à une petite lieue de Fécamp. C'est la que notre jeune naturaliste passa les années de 91 à 94, entouré, comme il le dit lui-même des productions les plus variées que la mer et la terre semblaient lui offrir à l'envi ; toujours au milieu des objets, presque sans livres, n'ayant personne à qui communiquer ses réflexions,