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bitants de Chamouny, en suivant le chemin le plus direct, celui que divers préjugés avaient fait éviter, venaient de s'élever la veille à cette cime qu'aucun mortel n'avait encore atteinte.

On peut juger de son empressement à suivre leurs traces : le 19 août il était déjà à Chamouny ; mais les pluies et les neiges l'arrêtèrent encore cette année. Ce ne fut que le 21 juillet 1788 qu'il obtint enfin cet objet principal de ses vœux.

Accompagné d'un domestique et de dix-huit guides qu'encouragèrent ses promesses et son exemple, après avoir monté pendant deux jours, et couché deux nuits au milieu des neiges ; après avoir vu sous ses pieds d'horribles crevasses, et entendu rouler à ses côtés deux énormes avalanches, il arriva à la cime, vers le milieu de la troisième journée.

Ses premiers regards, dit-il, se tournèrent vers Chamouny, d'où sa famille le suivait avec un télescope, et où il eut le plaisir de voir flotter un pavillon, signal convenu pour lui faire connaître qu'on avait aperçu son arrivée, et que les inquiétudes sur son sort étaient au moins suspendues. Il se livra ensuite avec calme et pendant plusieurs heures aux expériences qu'il s'était proposées, quoique à cette hauteur de 24,000 pieds la rareté de l'air accélérât le pouls comme une fièvre ardente et épuisât de fatigue au moindre mouvement, qu'une soif cruelle se fit sentir dans ces régions glacées, comme dans les sables de l'Afrique, et que la neige, en répercutant la lumière, y éblouit et brûlât le visage : on y retrouvait à la fois les inconvénients du pôle et du