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serais presque dire de tout ce qu'ils eurent d'humain. Ils nous paraissent alors comme des êtres surnaturels : nous concevons à peine qu'ils aient pu être assis parmi des confrères, parmi des égaux ; et les jugements des contemporains, loin d'ajouter à l'idée que leur génie nous donne, refroidissent notre imagination en la ramenant trop à la réalité.

Mais ces jugements, ces discours, inutiles à la mémoire des génies extraordinaires, ne le sont point à celle de tant d'autres hommes de mérite, qui guidèrent la jeunesse de ceux-là, qui applaudirent à leurs premiers efforts, qui furent capables d'entendre leurs découvertes, et sans lesquels ils ne se fussent peut-être jamais élevés si haut.

Si l'amitié n'avait soin d'ériger ces monuments aux savants laborieux et modestes, l'éclat dont brillent les grands hommes frapperait seul les yeux, et effacerait à la longue les noms de tous ceux qui eurent part à leurs succès comme les arbres élevés des forêts cachent à la vue les mousses ou les gramens qui entretiennent la fraîcheur de leurs racines. Mais la principale fonction de l'historien académique est de préparer la justice de la postérité, en fixant pour chacun de ses contemporains la part qu'il eut aux progrès du siècle, comme celle du naturaliste philosophe est de rechercher et de faire connaître le rôle souvent très-important que tel, être à peine aperçu du vulgaire, remplit dans l'économie générale de là nature.

C'est à cette classe respectable qu'appartiennent les hommes dont nous vous entretiendrons aujourd'hui.