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Une fois donc que M. Adanson se fut livré à son grand ouvrage, il réserva, pour lui donner plus d'intérêt, tout ce qu'il avait de faits particuliers, et ne voulut plus rien publier séparément.

Craignant de perdre un instant ; il se séquestra plus que jamais du monde, il prit sur son sommeil, sur le temps de ses repas. Lorsque quelque hasard permettait de pénétrer jusqu'à lui, on le trouvait couché au milieu de papiers innombrables qui couvraient les paquets, les comparant, les rapprochant de mille manières ; des marques non équivoques d'impatience engageaient à ne pas l'interrompre de nouveau : il trouva même moyen d'éviter jusqu'aux premières visites, en se retirant dans une petite maison isolée et dans un quartier éloigné.

Dès lors ses idées ne sont plus alimentées ni redressées par celles d'autrui ; son génie n'agit plus que sur son propre fonds, et ce fonds ne se renouvelle plus ; tous ces germes fâcheux que ses premières habitudes solitaires avaient déposés en lui se développent et s'exaltent. Calculant l'étendue de ses forces par celle de ses projets, il se place autant au dessus des autres philosophes, que l'ouvrage qu'il veut faire lui parait au-dessus de ceux qu'ils ont laissés ; on lui entend dire qu'Aristote seul approche de lui, mais de bien loin, et que tous les autres naturalistes en sont restés à une distance immense. Oubliant que sa méthode ne repose essentiellement que sur les faits acquis, il lui attribue une vertu intérieure pour les faire prévoir et prétend deviner d'avance les espèces in -