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l'espèce de dépit que lui donnait la vogue du système sexuel de Linnæus, l'un des plus opposés aux rapports naturels des végétaux. L'espoir de la voir cesser un instant consolait bien un peu M. Adanson ; mais il ne faisait en cela que montrer à quel point les hommes lui étaient mal connus, tandis que c'était sur leur connaissance intime que Linnæus fondait presque tous ses succès.

Aimable, bienveillant, entouré de disciples enthousiastes dont il se faisait autant de missionnaires, attentif à enrichir de leurs découvertes des éditions multipliées, favorisé par les grands, lié par une correspondance active avec les savants en crédit, soigneux de faire paraître la science aisée, plus que de la rendre solide et profonde, le naturaliste suédois voyait chaque jour étendre sa doctrine, malgré la résistance des amours propres et des préjugés nationaux.

Adanson, au contraire, conservant ses habitudes du désert, inaccessible dans son cabinet, sans élèves, presque sans amis, ne communiquant avec le monde que par ses livres, semblait encore les hérisser exprès de difficultés rebutantes, comme s'il avait craint qu'ils ne se répandissent trop.

Au lieu de cette nomenclature si simple et si commode, imaginée par Linnæus, il donnait aux êtres des noms arbitraires qu'aucun rapport d'étymologie ne rattachait à la mémoire, et dédaignait même quelquefois d'indiquer leur concordance avec les noms employés par les autres. Il avait imaginé jusqu'à une orthographe particulière, qui faisait ressembler son français à quel