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moitié du dix-huitième siècle, Buffon la reproduisit avec plus d'éclat encore, et la rendit bientôt populaire.

Mais ces êtres organisés, dont les débris innombrables se montrent répandus partout, sont-ils les analogues de ceux qui vivent aujourd'hui, soit sur les lieux mêmes où l'on trouve ces débris, soit dans d'autres lieux ? ou bien, leur espèce, leur genre ont-ils péri, et sont-ils entièrement perdus ?

C'est là qu'est toute la difficulté, et l'on peut croire que cette difficulté n'aurait jamais été résolue, du moins avec une certitude complète, tant que l'on s'en serait tenu, par exemple, à l'étude des coquilles fossiles ou des poissons.

On aurait eu beau trouver, en effet, de nouvelles coquilles, de nouveaux poissons inconnus, on aurait pu toujours supposer que leur espèce vivait encore, soit dans des mers éloignées, soit à des profondeurs inaccessibles.

Il n'en est pas, à beaucoup près, ainsi pour les quadrupèdes. Leur nombre est beaucoup plus borné, surtout pour tes grandes espèces ; on peut donc espérer de parvenir a les connaître toutes ; il est donc infiniment plus facile de s'assurer si des os inconnus appartiennent à l'une de ces espèces encore vivantes, ou s'ils viennent d'espèces perdues.

C'est là ce qui donne à l'étude des quadrupèdes fossiles une importance propre, et aux déductions que l'on peut en tirer une force que ne sauraient avoir les déductions tirées de l'étude de la plupart des autres classes.

Buffon semble l'avoir senti. C'est principalement, en effet, sur les grands ossements fossiles de la Sibérie et du Canada qu'il chercha d'abord à appuyer la conjecture (car, vu l'état de l’anatomie comparée, à l'époque où il écrivait, ce ne pouvait être encore qu'une conjecture) de certaines espèces perdues.

Et, d'ailleurs, cette conjecture même était si peu établie dans son esprit, du moins relativement aux quadrupèdes, qu'après avoir regardé, dans sa Théorie de la terre, tous les animaux auxquels ces os extraordinaires ont appartenu comme des animaux perdus, il déclare ensuite, dans ses Époques de la nature, qu'il ne reconnaît plus qu'une seule espèce perdue,