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parts ; la calomnie circule et s'accroît ; il n'est point d'horreurs dont on ne charge les conviés. La maison qui les rassemble est attaquée, forcée, dévastée ; la multitude furieuse n'a que le nom de Priestley à la bouche : c'est le ministre des dissidents, c'est le chef des révolutionnaires, c'est sur lui que porte depuis long-temps la haine des anglicans ; voici le moment qu'il faut qu'ils se vengent.

Le malheureux vieillard était si étranger à ce qu'on lui imputait en ce jour, qu'il ignorait même ce qui se passait dans la ville et qu'il n'avait point assisté à ce dîner : mais la troupe des séditieux n'entend rien ; elle le croit en fuite ; armée de torches et de tous les instruments de destruction, elle vole à sa maison.

C'était une retraite modeste, à un demi-mille dans la campagne, fruit des épargnes de sa frugalité ; il y vivait avec sa femme et deux de ses fils, dans la simplicité des mœurs antiques. C'était là qu'il avait reçu les hommages de tant de voyageurs, illustres par leur naissance ou par leur mérite, qui n'avaient point voulu quitter l'Angleterre sans connaître un si grand homme : c'était là que, depuis onze années, il se partageait entre l'étude des sciences, l'enseignement de la jeunesse et l'exercice de la charité, principal devoir de son ministère.

On n'y voyait qu'un seul ornement, mais incomparable, cette immense collection d'instruments en grande partie imaginés et construits par lui-même ; foyer dont étaient sorties tant de vérités nouvelles, tant de découvertes utiles à ces furieux eux-mêmes : car c'étaient