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de ces critiques intéressées. Ils savent par combien d'efforts il faut toujours que soient achetées ces idées heureuses, mères et régulatrices de toutes les autres ; et les hommes qui, après avoir eu le bonheur de faire de grandes découvertes, ont pris plaisir à augmenter notre admiration par le beau jour dans lequel ils les ont placées, ne savent point mauvais gré à ceux qui, comme Priestley, ont mieux aimé accélérer notre jouissance, en offrant les leurs à mesure qu'ils les faisaient, et en traçant avec ingénuité tous les détours qui les y ont conduits.

C'était là l'effet de sa manière d'écrire. Son livre n'est point une construction définitive, un ensemble de théorèmes qui se déduiraient les uns des autres, comme ils pourraient avoir été conçus dans la raison éternelle : c'est le simple journal de ses pensées dans tout le désordre de leur succession. On y voit un homme qui marche d'abord à tâtons dans une profonde nuit ; qui épie les moindres lueurs ; qui cherche à les rapprocher, à les réfléchir ; que des éclairs trompeurs et passagers égarent quelquefois, mais qui arrive enfin à la région la plus riche et la plus vaste.

Serions-nous fâchés si les grands maîtres du genre humain, si les Archimède, les Newton, nous avaient mis ainsi dans la confidence de leur génie? Newton, interrogé comment il était parvenu à ses grandes découvertes, répondit: C'est en y pensant longtemps. Quel plaisir nous aurions à connaître cette longue suite de pensées dont naquit enfin cette grande pensée de Newton, cette pensée qui est, pour ainsi dire, encore au -