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sentiment qu'il n'aurait pas le bonheur de le ramener lui-même en France. Il y indiquait, avec le plus tendre intérêt, les précautions nécessaires pour le transporter, le recevoir, l'acclimater, et le distribuer de la manière la plus profitable.

Il faut avoir connu Gilbert pour comprendre comment de simples contrariétés purent lui devenir si funestes. L'air de son visage, l'éclat de ses yeux, faisaient connaître, au premier aspect, la vivacité de son caractère et la chaleur de son âme. Agreste comme sa profession, il n'avait nulle idée de ces détours par lesquels la plupart des hommes prétendent être forcés de passer pour arriver au bien. Il était d'un patriotisme ardent ; et cependant il n'imita point tant d'hypocrites qui ne surent jamais montrer leur zèle pour le bien public qu'en faisant des malheurs particuliers. Il protégeait, au contraire, de préférence ceux qui appartenaient au parti persécuté, et, dans les diverses vicissitudes de la révolution, le pouvoir a changé assez souvent de main pour lui donner occasion de prouver que c'était l'infortune et non les opinions qu'il protégeait. Plusieurs fois des hommes de partis opposés furent étonnés de trouver dans sa maison un asile commun.

Qu'on nous permette de raconter un des traits qui peignent le mieux la délicatesse et l'étendue de sa générosité.

Dans ce temps où la destitution entraînait les fers, et où les fers annonçaient la mort, un de ses collègues, que des liaisons avec l'une des principales victimes de