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teuses espérances de la manière la plus funeste et la plus inattendue. Étant sorti le 16 août 1800 fort tard de l'Institut, il fut trouvé le lendemain, à quelques pas de sa maison, égorgé de plusieurs coups de sabre.

Cette ville entière a retenti du coup qui l'a frappé ; chaque citoyen a tremblé pour lui-même, en réfléchissant à un assassinat dont les motifs et les auteurs sont restés couverts d'un voile également impénétrable. La police n'a rien publié, la justice n'a rien prononcé sur cet attentat. Je ne chercherai donc point à recueillir les conjectures vagues ou contradictoires qui ont circulé un instant dans un public également prompt à s'agiter sur tous les événements et à les oublier tous.

Mais réussirai-je à peindre les différents états où passa sa famille pendant l'horrible nuit où il lui fut enlevé ? cette attente si pleine d'angoisses durant les premières heures d'une absence inusitée, et cette terreur sombre et silencieuse lorsque quelques paroles farouches échappées à l'assassin ne laissèrent plus douter que cette absence ne fût causée par un crime ? et cet affreux désespoir quand les premiers rayons du jour vinrent éclairer le cadavre sanglant d'un père immolé a l'instant où déjà il touchait le seuil protecteur ; à l'instant où le moindre cri aurait pu amener à son aide ses enfants, ses domestiques, ses voisins ?

C'est assez sans doute vous arrêter sur une scène aussi lugubre ; peut-être même aurais-je dû vous épargner ces tristes images, et me borner à tracer le tableau des vertus et des talents de l'Héritier, sans vous rappeler l'at-