seul parvenu à vaincre à cet égard l'inertie qui s'oppose toujours aux améliorations, parce que les améliorations sont des nouveautés. Tant qu'il a vécu, il a été l'arbitre souverain de la science, et l'Europe entière il suivi aveuglément sa nomenclature ; mais depuis sa mort nul n'a pu ou n'a osé se placer sur ce tronc vacant : l'histoire naturelle semble être tombée dans une espèce d'anarchie, et la seule loi qui ait été un peu généralement reconnue, c'est qu'on doit adopter le nom imposé par le premier descripteur. L'Héritier n'était point de cet avis. Il voulait que, même pour la nomenclature, le premier venu cédât au meilleur, et que celui qui décrivait et nommait mieux eût le droit incontestable de déposséder l'ancien.
Nous ne déciderons pas jusqu'à quel point son principe était fondé ; mais nous assurerons qu'il ne l'appliquait à son avantage qu'avec le plus grand scrupule, et qu'il faisait tout pour acquérir lui-même ces titres qu'il exigeait de quiconque veut imposer des noms. Ses descriptions n'étaient jamais faites que sur des plantes vivantes, et dans le plus parfait état de développement. Il rejetait les échantillons desséchés et souvent mutilés, qui n'ont que trop été employés par ses prédécesseurs. Lorsqu'il apprenait qu'une plante rare était en fleur dans quelque jardin, il s'y transportait aussitôt ; il récompensait généreusement de jeunes botanistes, qui visitaient sans cesse pour lui les jardins de Paris et des environs dans un rayon de plusieurs lieues, et qui notaient toutes les circonstances de la végétation des espèces nouvelles ou mal décrites auparavant,