Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/114

Cette page n’a pas encore été corrigée

de scènes d'horreur dont on se plaît à nous reproduire si souvent les affligeants récits.

L'attachement de Lemonnier pour son maître tenait à la personne, et non à la puissance. Il le prouva en continuant de le voir et de le secourir dans sa prison, et le dévouement constant que montrèrent à cet infortuné monarque un simple médecin et un ministre longtemps négligé dut sans doute le toucher beaucoup plus que ne le surprit ou ne l'affligea l'abandon de tous ces hommes si empressés autour de lui dans les jours de sa grandeur.

Lemonnier montra un autre genre de courage dans la manière dont il soutint les pertes et les malheurs qu'il eut bientôt à essuyer.

Je ne parle pas de celle de sa fortune : il était trop sage pour attacher quelque mérite même à ne pas plaindre de cette perte-là. Cependant, quoique sa place de premier médecin lui procurât un très-grand revenu, sa bienfaisance et ses dépenses pour la botanique ne lui avaient pas permis de faire d'économies. Il aurait bien trouvé quelques ressources dans la vente de son jardin et de sa bibliothèque : mais comment renoncer à ce qui lui était plus cher que la vie ? Pour éviter ce douloureux sacrifice, il redemanda le nécessaire à la science qui l'avait autrefois conduit à l'opulence ; on vit ce vénérable vieillard établir une petite boutique d'herboriste, et y recevoir gaiement un modique salaire des mêmes hommes auxquels il avait si souvent prodigue son or avec ses conseils : on ne savait ce qui les touchait le plus, du souvenir de ses bienfaits d'autrefois, ou du