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destie de Lemonnier se contenta longtemps de la place de premier médecin ordinaire, qu'il avait achetée, à son retour d'Allemagne, de l'économiste Quénai. À la mort de Senac, Louis XV eut le dessein de lui donner celle de premier médecin ; mais madame du Barry la demandait impérieusement pour Bordeu, et le faible roi ne put échapper aux persécutions de sa favorite qu'en supprimant le titre de premier médecin, dont il donna les fonctions et les honneurs à Lemonnier.

Cependant Louis XVI, étant monté sur le tronc, conserva auprès de sa personne Lieutaud, qui avait été son médecin pendant qu'il était dauphin ; Lassone succéda à Lieutaud, par la protection de la reine, et ce ne fut qu'en 1788 que Lemonnier parvint à la première place qui lui avait été destinée près de vingt ans auparavant.

Sa pratique de la médecine tenait plus de la prudence que de la hardiesse ; il prenait rarement un parti décisif, et cherchait à observer la nature plutôt qu'à la maîtriser ; il ordonnait peu de remèdes : mais, ce qui valait mieux que des remèdes, c'était l'intérêt qu'il prenait à ses malades, l'attention qu'il portait à les consoler, et surtout l'art qu'il avait de pénétrer les causes morales de leurs souffrances ; art d'autant plus précieux dans le pays qu'il habitait, que la plupart des maux des gens de cour ont leur source dans les affections de l'âme.

Sa conduite privée fut plus remarquable encore que sa manière d'exercer son art ; non-seulement il partagea avec plusieurs de ses devanciers le mérite, qui n'est peut-être pas bien grand pour un savant et pour un philosophe, de demeurer parfaitement étranger aux in-