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tions bizarres de biens et de maux qui semblent si souvent accuser la Providence.

Lemonnier fut aussi fort religieux, fort pieux même ; mais d'une religion, d'une piété, toutes bienfaisantes, comme cette Providence dont les œuvres lui avaient inspiré ces sentiments. Également éloigné de l'orgueilleuse humilité de tant de dévots, et du froid égoïsme de tant de philosophes, il fit ce que dévots et philosophes auraient eu souvent peine à faire ; il produisit à la cour ou il favorisa même les hommes dont il pouvait craindre la rivalité.

Ce fut lui qui présenta à Louis XV, pour avoir soin du jardin de Trianon pendant son absence, le célèbre Bernard de Jussieu, auquel il fournit par là l'occasion de développer cette méthode qui, portée depuis à la perfection par son illustre neveu[1], a replacé la France au rang que la Suède lui avait enlevé en botanique.

Nommé en 1755 professeur au Jardin des Plantes, il choisit pour son suppléant ce même neveu qui annonçait dès lors ce qu'il serait un jour, et il céda depuis sa place au célèbre professeur[2] qui l'occupe aujourd'hui, et qui ne s’est pas moins honoré par la reconnaissance qu'il lui a toujours témoignée, que par les grands progrès qu'il a fait faire à la science.

Lemonnier ne profita du goût de Louis XV, et ensuite de son propre crédit, soit à la cour, soit à l'Académie, que pour faire envoyer dans toutes les parties du monde, des voyageurs éclairés, chargés d'en rapporter les

  1. M. Antoine-Laurent de Jussieu.
  2. M. Desfontaines.