Page:Cuvier - Recueil des éloges historiques vol 1.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fit montrer ses plantations ; il entendit avec intérêt l'histoire, les propriétés de chaque végétal : étonné de trouver que les plaisirs qui instruisent valent au moins les plaisirs qui ne font que fatiguer, il voulut aussi avoir un jardin de botanique, et désira connaître l'homme qui avait si bien arrangé celui du duc. Celui-ci, saisissant avec empressement l'occasion de servir son ami, court le chercher, et, sans l'avoir prévenu, le conduit devant le monarque. Le jeune homme, surpris, s'intimide, pâlit, se trouve mal. Les rois eux-mêmes ne sont pas insensibles à la petite satisfaction de paraître imposants : dès ce moment, Louis XV donna à Lemonnier des marques d'une affection qui se changea en véritable faveur, lorsqu'il put mieux le connaître.

Lemonnier avait, en effet le genre de mérite propre à frapper les grands ; il savait rendre des idées nettes par des expressions élégantes ; aussi le roi, se l'étant attaché comme botaniste, goûta-t-il toujours de plus en plus son entretien ; et, lorsque les plaisirs et les affaires l'avaient également lassé, il venait souvent dans son jardin de Trianon, passer auprès de lui des instants que les courtisans enviaient, mais que Lemonnier n'employa jamais que pour l'avantage de la science aimable qui les lui procurait.

Nous avons vu, dans ce siècle, des souverains, des gens du monde, des gens de lettres, chercher, dans l'étude des plantes, quelque relâche à cette représentation qui les fatigue tous, chacun à sa manière ; un homme de génie a voulu reposer sur elles l'imagination qui l'avait rendu si malheureux, oublier avec elles les in-