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danger de se casser la tête contre la capote de sa calèche. Ne riez pas : le péril est positif et imminent ; les rondins dont on fait les ponts de ce pays, et souvent les chemins eux-mêmes exposent les voitures à de tels chocs que les voyageurs non avertis seraient jetés dehors si leur calèche était découverte, ou se briseraient le crâne si la capote était levée. Il est donc prudent de se servir en Russie de voiture dont l’impériale est le plus élevée possible. Une cruche d’eau de Seltz (vous savez qu’elles sont solides), bien emballée dans du foin, vient d’être cassée au fond du coffre de mon siége par la violence des secousses.

Hier j’ai couché dans une maison de poste où je manquais de tout : ma voiture est tellement dure et les chemins sont si raboteux, que je ne puis guère voyager plus de vingt-quatre heures de suite sans éprouver de violentes douleurs de tête ; alors, comme j’aime mieux un mauvais gîte qu’une fièvre cérébrale, je m’arrête quelque part que je me trouve. Ce qu’il y a de plus rare dans ces gîtes improvisés et dans toute la Russie, c’est le linge blanc. Vous savez que je voyage avec mon lit, mais je n’ai pu me charger d’une grande provision de linge, et les serviettes qu’on me donne dans les maisons de poste ont toujours servi ; j’ignore à qui est réservé l’honneur de les salir. Hier, à onze heures du soir, le maître de poste a envoyé chercher pour moi du linge blanc à un