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s’il faut en croire quelques Russes excessivement fins, aurait pressenti le danger de la puissance moscovite ; et voulant affaiblir le futur ennemi de l’Europe révolutionnée, il aurait recouru d’abord à la puissance des idées. Il profita de ses rapports d’amitié avec l’Empereur Alexandre, et du penchant inné de ce prince vers les institutions libérales, pour envoyer à Pétersbourg, sous prétexte d’aider à l’accomplissement des desseins de l’Empereur, un grand nombre d’ouvriers politiques, espèce d’armée masquée chargée de préparer en secret la voie à nos soldats. Ces intrigants habiles auraient eu mission de s’ingérer dans le gouvernement, de s’emparer surtout de l’éducation publique et d’infiltrer dans l’esprit de la jeunesse des doctrines contraires à la religion politique du pays. Ainsi le grand homme de guerre, l’héritier de la révolution française et l’ennemi de la liberté du monde, jetait au loin des semences de trouble, là par haine de la liberté, ici parce que l’unité despotique lui paraissait prêter un ressort dangereux au gouvernement militaire qui fait l’immense pouvoir de la Russie. C’est, dit-on, de cette époque que date la formation des sociétés secrètes qui se sont étendues en Russie depuis les campagnes de France et depuis les fréquents rapports qu’ont eus les Russes avec l’Europe, au point que bien des gens regardent ce pouvoir occulte comme une cause inévitable de révolution.