Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/85

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et il en souffre sans même oser s’en plaindre : cette borne, c’est la bureaucratie, force terrible partout parce que l’abus qu’on en fait s’appelle l’amour de l’ordre, mais plus terrible en Russie que partout ailleurs. Quand on voit la tyrannie administrative substituée au despotisme Impérial, on frémit pour l’avenir d’un pays où s’est établi sans contre-poids ce système de gouvernement propagé en Europe sous l’Empire français.

La Russie n’avait ni les mœurs démocratiques, fruit des révolutions sociales et judiciaires que la France a subies, ni la presse, fruit et germe de la liberté politique qu’elle perpétue après avoir été enfantée par elle. Les Empereurs de Russie, également mal inspirés dans leur défiance et dans leur confiance, n’ont vu que des rivaux dans les nobles et n’ont voulu trouver que des esclaves dans les hommes qu’ils prenaient pour ministres ; ainsi, doublement aveuglés, ils ont laissé aux directeurs de l’administration et à leurs employés qui ne leur faisaient nul ombrage, la liberté de jeter leurs réseaux sur un pays sans défense et sans protecteurs. Il est né de là une fourmilière d’agents obscurs travaillant à régir ce pays d’après des idées qui ne sont pas sorties de lui : d’où il arrive qu’elles ne peuvent satisfaire ses besoins réels. Cette classe d’employés, hostiles dans le fond du cœur à l’ordre de choses qu’ils adminis-