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mépris qu’ils excitent dans le peuple pour une aristocratie au niveau de laquelle de tels hommes peuvent parvenir, et pour le régime du servage définitivement établi en Russie à l’époque où la vieille Europe commençait à ruiner chez elle l’édifice féodal. Une domination subalterne, une tyrannie républicaine sous la tyrannie autocratique, quelle combinaison de maux !…

Voilà les ennemis que se sont créés bénévolement les Empereurs de Russie par leur défiance envers leur ancienne noblesse ; une aristocratie avouée, enracinée depuis longtemps dans le pays, mais mitigée par le progrès des mœurs et l’adoucissement des coutumes, n’eût-elle pas été un moyen de civilisation préférable à l’hypocrite obéissance, à l’influence dissolvante d’une armée de commis pour la plupart d’origine étrangère, et tous plus ou moins imbus, dans le fond du cœur, d’idées révolutionnaires, tous aussi insolents dans le secret de leur pensée, qu’obséquieux dans leurs habitudes et dans leurs paroles ?

Du fond de leurs chancelleries ces despotes invisibles, ces pygmées tyrans oppriment le pays impunément, puisqu’ils gênent jusqu’à l’Empereur qui s’aperçoit bien qu’il n’est pas aussi puissant qu’on lui dit qu’il l’est, mais qui, dans son étonnement, qu’il voudrait se dissimuler à lui-même, ne sait pas toujours où est la borne de son pouvoir. Il la sent