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seul qui donne les décorations ; munis de ce signe magique, ils deviennent propriétaires ; ils possèdent de la terre et des hommes ; et ces nouveaux seigneurs, parvenus au pouvoir sans avoir reçu par héritage la magnanimité d’un chef habitué de père en fils à commander, usent de leur autorité en parvenus qu’ils sont. Ils ont la prétention d’illuminer le peuple, et en attendant ils divertissent à leurs dépens les grands et les petits ; leurs ridicules sont devenus proverbiaux ; quiconque a besoin de ces demi-seigneurs nouvellement élevés par leurs charges et par leur rang dans le tchinn aux honneurs de la propriété territoriale, se dédommage de leur morgue par des moqueries sanglantes. Ces hommes exercent leur droit de suzeraineté avec une rigueur qui les rend un objet d’exécration pour leurs malheureux paysans. Singulier phénomène social ! c’est l’élément libéral ou mobile introduit dans le système du gouvernement despotique qui rend ici ce gouvernement intolérable ! « S’il n’y avait que d’anciens seigneurs, disent les paysans, nous ne nous plaindrions pas de notre condition. » Ces hommes nouveaux, si haïs du petit nombre de leurs serfs, sont aussi les maîtres du maître suprême, car ils forcent la main à l’Empereur dans une foule d’occasions ; ce sont eux qui préparent une révolution à la Russie par deux voies, la voie directe à cause de leurs idées, la voie indirecte à cause de la haine et du