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une industrie comme une autre, mais comme une autre et plus qu’une autre, elle ne procure à celui qui l’exerce qu’une existence précaire ; cette vie de courtisan exclut l’élévation des sentiments, l’indépendance de l’esprit, les vues vraiment humaines et patriotiques, les grands desseins politiques, qui sont le propre des corps aristocratiques légalement constitués dans les États organisés pour étendre au loin leur domination et pour vivre longtemps. D’un autre côté elle exclut la juste fierté de l’homme qui fait sa fortune par son travail : elle réunit donc les désavantages de la démocratie et ceux du despotisme, en excluant ce qu’il y a de bon sous ces deux régimes.

Il y a ici une classe de personnes qui répond à la bourgeoisie chez nous, moins la fermeté de caractère que permet une situation indépendante, et moins l’expérience que donne la liberté de la pensée et la culture de l’esprit : c’est la classe des employés subalternes ou de la seconde noblesse. Les idées de ces hommes sont en général tournées vers les innovations, tandis que leurs actes sont ce qu’il y a de plus despotique sous le despotisme ; sortie des écoles publiques pour entrer dans les administrations publiques, cette classe gouverne l’Empire en dépit de l’Empereur. Chacun de ces gens-là, le plus souvent fils d’un père venu des pays étrangers, est noble dès qu’il a une croix à sa boutonnière, et notez que ce n’est pas l’Empereur