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dance en politique ; enfin, selon madame de***, la plupart d’entre elles possèdent ce qui manque ici à la plupart des hommes : la probité appliquée aux circonstances de la vie, même aux moins graves. En général, les femmes en Russie pensent plus que les hommes, parce qu’elles n’agissent pas. Le loisir, cet avantage inhérent à la manière de vivre des femmes, profite par tout pays à leur caractère autant qu’à leur esprit ; elles ont plus d’instruction, moins de servilité, plus d’énergie de sentiment que les hommes. Souvent l’héroïsme lui-même leur semble naturel, et leur devient facile. La princesse Troubetzkoï n’est pas la seule femme qui ait suivi son mari en Sibérie ; beaucoup d’hommes exilés ont reçu de leurs épouses cette sublime preuve de dévouement, qui ne perd rien de son prix pour être moins rare que je ne la croyais ; malheureusement leur nom m’est inconnu. Qui leur trouvera un historien et un poëte ? c’est sur tout pour les vertus ignorées qu’on a besoin de croire au jugement dernier. La glorification des bons manquerait à la justice de Dieu. La vertu n’est vertu que parce qu’elle ne peut être récompensée par les hommes. Elle perdrait de sa perfection et deviendrait un calcul servile si elle était assurée de se voir toujours appréciée et rémunérée sur la terre ; la vertu qui n’irait pas jusqu’au surnaturel, au sublime, serait incomplète. Si le mal n’existait pas y aurait-il des