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Il allait plus loin : il prétendait qu’il n’y a de vice que la grossièreté.

Ce soir, à neuf heures, je suis retourné chez le gouverneur. On s’est mis d’abord à faire de la musique, ensuite on a tiré une loterie.

Un des frères de la maîtresse de la maison joue du violoncelle de manière à faire grand plaisir ; il était accompagné sur le piano par sa femme, personne pleine d’agréments. Grâce à ce duo, ainsi qu’à des airs nationaux chantés avec goût, la soirée m’a paru courte.

La conversation de madame de***, l’ancienne amie de ma grand mère et de madame de Polignac, n’a pas peu contribué à l’abréger pour moi. Cette dame vit en Russie depuis quarante-sept ans ; et elle a vu et jugé ce pays avec un esprit fin et juste ; elle raconte la vérité sans hostilité, mais sans précautions oratoires ; c’était nouveau pour moi : sa franchise contraste avec la dissimulation universelle pratiquée par les Russes. Une Française spirituelle et qui a passé sa vie chez eux doit, je crois, les connaître mieux qu’ils ne se connaissent eux-mêmes ; car ils s’aveuglent pour mieux mentir. Madame de*** m’a dit et répété qu’en ce pays le sentiment de l’honneur n’est puissant que dans le cœur des femmes ; elles se sont fait un culte de la fidélité à leur parole, du mépris du mensonge, de la délicatesse en affaires d’argent, de l’indépen-