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taux, et qu’ils s’ennuient comme des Européens ; mais tout en nous accueillant avec une prévenance où il y a plus d’ostentation que de cordialité, ils scrutent nos moindres paroles, ils soumettent nos actions les plus insignifiantes à un examen critique, et comme ce travail leur fournit nécessairement beaucoup à blâmer, ils triomphent intérieurement et se disent : « Voilà donc les hommes qui se croient en tout supérieurs à nous ! »

Il faut ajouter que ce genre d’étude leur plaît, car leur nature étant plus fine que tendre, il leur en coûte peu pour rester sur la défensive vis-à-vis des étrangers. Cette disposition n’exclut ni une certaine politesse, ni une sorte de grâce, mais elle est contraire à l’amabilité véritable. Peut-être qu’à force de soins et de temps, on parviendrait à leur inspirer quelque confiance, néanmoins, je doute que tous mes efforts pussent me faire atteindre à ce but, car la nation russe est une des plus légères et en même temps des plus impénétrables du monde. Qu’a-t-elle fait pour aider la marche de l’esprit humain ? elle n’a pas encore eu de philosophes, de moralistes, de législateurs, de savants dont le nom marquật dans l’histoire ; mais à coup sûr elle n’a jamais manqué ni ne manquera jamais de bons diplomates, d’habiles têtes politiques ; et si les classes inférieures ne fournissent pas des ouvriers inventifs, elles abondent en ma-