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sur les grands chemins ; les routes de la Russie sont sûres, mais on est volé immanquablement dans les maisons ; l’Espagne est remplie de souvenirs et de ruines qui datent de tous les siècles ; la Russie date d’hier, son histoire n’est riche qu’en promesses ; l’Espagne est hérissée de montagnes qui varient les sites à chaque pas du voyageur ; la Russie n’a qu’un paysage d’un bout de la plaine à l’autre ; le soleil illumine Séville, il vivifie tout dans la Péninsule ; la brume voile les lointains des paysages de Pétersbourg qui restent ternes, même pendant les plus belles soirées de l’été : enfin les deux pays sont en tous points l’opposé l’un de l’autre, c’est la différence du jour à la nuit, du feu à la glace, du midi au nord.

Il faut avoir vécu dans cette solitude sans repos, dans cette prison sans loisir, qu’on appelle la Russie, pour sentir toute la liberté dont on jouit dans les autres pays de l’Europe, quelque forme de gouvernement qu’ils aient adoptée. On ne saurait trop le répéter, en Russie, la liberté manque à tout, si ce n’est, m’a-t-on dit, au commerce d’Odessa. Aussi l’Empereur, grâce au tact prophétique dont il est doué, n’aime-t-il guère l’esprit d’indépendance qui règne dans cette ville dont la prospérité est due à l’intelligence et à l’intégrité d’un Français[1] ; c’est pourtant

  1. M. le duc de Richelieu, ministre sous Louis XVIII.