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Russie. Je vous le demande une dernière fois, le voyageur assez malheureux ou assez heureux pour avoir recueilli de tels faits, a-t-il le droit de les laisser ignorer ? En ce genre, ce que vous savez positivement vous éclaire sur ce que vous supposez, et de toutes ces choses, il résulte une conviction que vous avez l’obligation de faire partager au monde si vous le pouvez.

J’ai parlé sans haine personnelle, mais aussi sans crainte ni restriction ; car j’ai bravé même le danger d’ennuyer.

Le pays que je viens de parcourir est sombre et monotone, autant que celui que j’ai peint autrefois était brillant et varié. En faire le tableau exact c’est renoncer à plaire. En Russie, la vie est aussi terne qu’elle est gaie en Andalousie ; le peuple russe est morne, le peuple espagnol plein de verve. En Espagne, l’absence de la liberté politique était compensée par une indépendance personnelle qui n’existe peut-être nulle part au même degré et dont les effets sont surprenants, tandis qu’en Russie, l’une est aussi inconnue que l’autre. Un Espagnol vit d’amour, un Russe vit de calcul ; un Espagnol raconte tout, et s’il n’a rien à cacher, il invente ; un Russe cache tout, et s’il n’a rien à raconter, il se tait pour avoir l’air discret, même il se tait sans calcul, par habitude, l’Espagne est infestée de brigands, mais on n’y vole que