Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/392

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sait-elle seulement, éblouie qu’elle est des lumières de sa philosophie, ce que c’est que les uniates[1] ?

Voici un fait qui vous prouvera le danger qu’on court en Russie à dire ce qu’on pense de la religion grecque et de son peu d’influence morale.

Il y a quelques années qu’un homme d’esprit, bien vu de tout le monde à Moscou, noble de naissance et de caractère, mais, malheureusement pour lui, dévoré de l’amour de la vérité, passion dangereuse partout, et mortelle dans ce pays-là, s’avisa d’imprimer que la religion catholique est plus favorable au développement des esprits, au progrès des arts, que ne l’est la religion byzantine russe ; il pensait là-dessus ce que je pense, et il a osé le dire, crime irrémissible pour un Russe. La vie du prêtre catholique, est-il dit dans son livre, vie toute surnaturelle ou qui du moins doit l’être, est un sacrifice volontaire et journalier des penchants grossiers de la nature ; c’est la preuve en action et incessamment renouvelée aux yeux d’un monde incrédule de la supériorité de l’esprit sur la ma-

  1. Depuis que ceci est écrit, plusieurs journaux ont publié l’allocution du pape aux cardinaux au sujet du fait que je viens de citer. Ce discours, inspiré par la plus haute sagesse, montre que le saint-père est enfin éclairé sur les périls que je signale, et que les vrais intérêts de la foi l’emportent aujourd’hui à Rome sur les considérations d’une politique mondaine. Voir plus haut la traduction de M. de Montalembert.