Page:Custine - La Russie en 1839 troisieme edition vol 4, Amyot, 1846.djvu/389

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par les Russes ; mais leur obligeance s’est bornée à des promesses, personne ne m’a donné la facilité de regarder au fond des choses, Une foule de mystères sont restés impénétrables à mon intelligence.

Un an passé dans le pays m’aurait peu avancé ; les inconvénients de l’hiver m’ont semblé d’autant plus à craindre que les habitants m’assuraient qu’on en souffre moins. Ils comptent pour rien les membres paralysés, les traits du visage gelés ; je pourrais pourtant vous citer plus d’un exemple de ce genre d’accidents arrivés même à des femmes de la société, soit étrangères, soit russes ; et une fois atteint, on se ressent toute sa vie du coup qu’on a reçu ; quand on ne risquerait que d’incurables névralgies, le danger serait grand : je n’ai pas voulu braver inutilement ces maux et l’ennui des précautions qu’il faut s’imposer pour les éviter. D’ailleurs, dans cet Empire du profond silence, des grands espaces vides, des campagnes nues, des villes solitaires, des physionomies prudentes et dont l’expression peu franche fait trouver vide la société elle-même, la tristesse me gagnait : j’ai fui devant le spleen aussi bien que devant le froid. On a beau dire, quiconque veut passer l’hiver à Pétersbourg, doit se résigner pendant six mois à oublier la nature pour vivre emprisonné parmi des hommes qui n’ont point de naturel[1].

  1. Je trouve dans les lettres de lady Montagu, nouvellement pu-