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d’un conspirateur, d’un ennemi de l’ordre, d’un criminel de lèse-majesté… d’un Polonais, et vous savez si ce sort est cruel ! Il faut avouer qu’une Susceptibilité qui se manifeste de la sorte est plus redoutable que moquable : la surveillance minutieuse d’un tel gouvernement, d’accord avec la vanité éclairée d’un tel peuple, devient épouvantable ; elle n’est plus ridicule.

On peut et l’on doit s’astreindre à tous les genres de précautions sous un maître qui ne fait grâce à aucun ennemi, qui ne méprise aucune résistance, et qui, dès lors, s’impose la vengeance comme un de voir. Cet homme, ou plutôt ce gouvernement personnifié, prendrait le pardon pour une apostasie, la clémence pour l’oubli de soi-même, l’humanité pour un manque de respect envers sa propre majesté… que dis-je ? envers sa divinité !… Il n’est pas le maître de renoncer à se faire adorer.

La civilisation russe est encore si près de sa source qu’elle ressemble à de la barbarie. La Russie n’est qu’une société conquérante, sa force n’est pas dans la pensée, elle est dans la guerre, c’est-à-dire dans la ruse et la férocité.

La Pologne, par sa dernière insurrection, a retardé l’explosion de la mine : elle a forcé les batteries de rester masquées ; on ne pardonnera jamais à la Pologne la dissimulation dont on est forcé d’user,