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plus grand m’apparaît et m’explique leurs prodiges de dissimulation et de longanimité.

Une ambition désordonnée, immense, une de ces ambitions qui ne peuvent germer que dans l’âme des opprimés, et se nourrir que du malheur d’une nation entière, fermente au cœur du peuple russe. Cette nation, essentiellement conquérante, avide à force de privations, expie d’avance chez elle, par une soumission avilissante, l’espoir d’exercer la tyrannie chez les autres ; la gloire, la richesse qu’elle attend la distraient de la honte qu’elle subit, et, pour se laver du sacrifice impie de toute liberté publique et personnelle, l’esclave, à genoux, rêve la domination du monde.

Ce n’est pas l’homme qu’on adore dans l’Empereur Nicolas, c’est le maître ambitieux d’une nation plus ambitieuse que lui. Les passions des Russes sont taillées sur le patron de celles des peuples antiques ; chez eux tout rappelle l’Ancien Testament ; leurs espérances, leurs tortures sont grandes comme leur Empire.

Là, rien n’a de bornes, ni douleurs, ni récompenses, ni sacrifices, ni espérances : leur pouvoir peut devenir énorme, mais ils l’auront acheté au prix que les nations de l’Asie paient la fixité de leurs gouvernements : au prix du bonheur.

La Russie voit dans l’Europe une proie qui lui sera