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est compté chez les Russes parmi les plus grands hommes.

Des choses semblables ou analogues se passent encore aujourd’hui en Russie. Grâce à l’omnipotence autocratique, le respect pour la chose jugée n’y existe pas ; et l’Empereur, bien informé, peut toujours défaire ce qu’a fait l’Empereur mal informé[1].

Les aveux de Karamsin m’ont paru doublement significatifs dans la bouche d’un historien aussi courtisan, aussi timide qu’il l’était. Je pourrais multiplier les citations, mais je pense en avoir fait assez pour établir le droit que je crois avoir de dire ingénument ma façon de penser, qui se trouve justifiée par l’opinion d’un écrivain accusé de partialité.

Dans un pays où dès le berceau les esprits sont façonnés à la dissimulation et aux finesses de la politique orientale, le naturel doit être plus rare qu’ailleurs : aussi quand on l’y rencontre a-t-il un charme particulier. J’ai vu en Russie quelques hommes qui rougissent de se sentir opprimés par le dur régime sous lequel ils sont forcés de vivre sans oser s’en plaindre ; ces hommes ne sont libres qu’en face de l’ennemi ; ils vont faire la guerre au fond du Caucase pour se reposer du joug qu’on leur impose chez eux ; la tristesse de cette vie imprime prématurément sur

  1. Voyez plus haut l’histoire de Pawlow et bien d’autres faits semblables.