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particulier obscur, contre des grands seigneurs. Dans ce cas, l’admiration pour le caractère du souverain me paraissait une satire contre la société. Ce fait trop vanté m’a prouvé positivement que l’équité n’est qu’une exception en Russie.

Tout bien considéré, je ne conseillerais pas à tous les hommes de peu, comme on disait jadis en France, de se fier au succès de ce personnage, favorisé peut-être par exception pour assurer l’impunité aux injustices courantes : espèce de moulin de Sans-Souci, échantillon d’équité dont les régulateurs de la loi se plaisent à faire montre pour répondre aux reproches de corruption et de servilité.

Un autre fait dont nous devons tirer une induction peu favorable à la magistrature russe, c’est qu’on ne plaide guère en Russie : chacun sait où cela mène ; on recourrait plus souvent à la justice, si les juges étaient plus équitables. C’est ainsi qu’on ne se querelle pas, qu’on ne se bat pas dans les rues, de peur du cachot et des fers, indistinctement réservés, la plupart du temps, aux deux parties.

Malgré les tristes tableaux que je vous trace, deux choses et une personne valent la peine du voyage. La Néva de Pétersbourg, pendant les jours sans nuits, le Kremlin de Moscou, au clair de lune, et l’Empereur de Russie : c’est la Russie pittoresque, historique et politique ; hors de là tout n’est que fa-