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server aux sociétés n’est point frivole ; elle n’est point cruelle, elle est réglée par le goût ; le goût exclut les abus ; il en est le plus sûr préservatif, car il craint toute exagération. Une certaine élégance est nécessaire aux arts, et les arts sauvent le monde, puisque c’est par eux surtout que les peuples s’attachent à la civilisation dont ils sont la dernière expression, et la plus précieuse récompense. Par un privilége unique entre tout ce qui peut répandre de l’éclat sur une nation, leur gloire plaît et profite à la fois à toutes les classes de la société.

L’aristocratie telle que je l’entends, loin de s’allier avec la tyrannie en faveur de l’ordre, ainsi que le lui reprochent les démagogues qui la méconnaissent, ne peut subsister avec l’arbitraire. Elle a pour mission de défendre, d’un côté, le peuple contre le despote, et de l’autre, la civilisation contre la révolution, le plus redoutable des tyrans. La barbarie prend plus d’une forme : vous la frappez dans le despotisme, elle renaît dans l’anarchie ; mais la vraie liberté, sous la garde de la vraie aristocratie, n’est ni violente ni désordonnée.

Malheureusement aujourd’hui les partisans de l’aristocratie modératrice en Europe s’aveuglent et prêtent des armes à leurs adversaires ; dans leur fausse prudence, ils s’en vont chercher du secours chez les ennemis de toute liberté politique et reli-