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de s’ennuyer. L’Empereur, qui voit tout, prend l’affectation du plaisir pour un hommage, ce qui rappelle le mot de M. de Talleyrand sur Napoléon : « L’Empereur ne plaisante pas ; il veut qu’on s’amuse. »

Je blesserai des amours-propres, mon incorruptible bonne foi m’attirera des reproches ; mais est-ce ma faute, à moi, si en allant demander à un gouvernement absolu des arguments nouveaux contre le despotisme de chez nous, contre le désordre baptisé du nom de liberté, je n’ai été frappé que des abus de l’autocratie, c’est-à-dire de la tyrannie qualifiée de bon ordre ? Le despotisme russe est un faux ordre comme notre républicanisme est une fausse liberté. Je fais la guerre au mensonge partout où je le reconnais, mais il y a plus d’un genre de mensonges : j’avais oublié ceux du pouvoir absolu ; je les raconte en détail aujourd’hui, parce qu’en décrivant mes voyages, je dis toujours ingénument ce que je vois.

Je hais les prétextes : j’ai vu qu’en Russie l’ordre sert de prétexte à l’oppression, comme en France la liberté à l’envie. En un mot, j’aime la vraie liberté, la liberté possible dans une société d’où toute élégance n’est pas exclue ; je ne suis donc ni démagogue ni despote ; je suis aristocrate dans l’acception la plus large du mot. L’élégance que je désire con-