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ces qui n’appartiennent qu’à eux, et, de fêtes en fêtes, ils vous empêchent de voir leur pays. Ils ont fait un mot français pour exprimer le résultat de cette tactique soi-disant obligeante : c’est ce qu’ils appellent enguirlander[1] les étrangers. Par malheur, ces soins empressés sont tombés sur un homme que les fêtes ont toujours moins distrait que fatigué. Mais viennent-ils à s’apercevoir que leur effet direct est manqué sur l’esprit de l’étranger, ils ont recours à des moyens détournés pour discréditer ses récits auprès des lecteurs éclairés : ils l’abusent avec une dextérité merveilleuse. Ainsi, afin de lui montrer les choses sous un faux jour, ils mentent en mal comme ils mentaient en bien, tant qu’ils croyaient pouvoir compter sur une crédulité bienveillante. Souvent, dans la même conversation, j’ai surpris la même personne changeant deux ou trois fois de tactique à mon égard. Je ne me flatte pas d’avoir toujours pu discerner le vrai, en dépit des efforts combinés avec tant d’art par des gens dont c’est le métier de le déguiser ; mais c’est déjà beaucoup que de savoir qu’on est trompé ; si je ne vois pas la vérité, je vois qu’on me la cache[2] ; et si je ne suis éclairé, je suis armé.

La gaieté manque à toutes les cours ; mais à celle de Saint-Pétersbourg on n’a même pas la permission

  1. Voyez Lettre quinzième, vol. II, p. 109.
  2. Voyez la relation de la course à Schlusselbourg, vol. II.