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tranquillité. Mais la préoccupation où j’ai trouvé les Russes à mon égard, depuis les plus grands personnages jusqu’aux plus petits particuliers, m’a donné la mesure de mon importance, du moins de celle que j’ai pu acquérir à Pétersbourg. « Que pensez-vous, ou plutôt que direz-vous de nous ? » voilà le fond de tous les discours qu’on m’adressạit : ils m’ont tiré de mon inaction ; je faisais le modeste par apathie, peut-être par lâcheté ; d’ailleurs, Paris rend humble ceux qu’il ne rend pas excessivement présomptueux ; j’avais donc lieu de me défier de moi-même, mais l’amour-propre inquiet des Russes a rassuré le mien.

J’ai été soutenu dans ma nouvelle résolution par un désenchantement toujours croissant. Certes, il faut que la cause du mécompte soit profonde et active pour que le dégoût m’ait atteint au milieu des fêtes les plus brillantes que j’aie yues de ma vie, et malgré l’éblouissante hospitalité des Russes. Mais j’ai reconnu du premier coup d’ail qu’il y a dans les démonstrations d’intérêt qu’ils vous prodiguent plus d’envie de passer pour prévenants, qu’il n’y a de vraie cordialité. La cordialité est inconnue aux Russes ; ce n’est pas là ce qu’ils ont emprunté des Allemands. Ils occupent tous vos instants, ils vous distraient, ils vous absorbent, ils vous tyrannisent à force d’empressement, ils s’enquièrent de l’emploi de vos journées, ils vous questionnent avec des instan-