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qui règne dans les arts. J’ai parlé et je parlerai peut être encore ailleurs du style des tableaux byzantins et de l’espèce de joug qu’il impose à l’imagination des peintres, dont il fait des manœuvres ; je ne veux m’occuper maintenant que du matériel de la vie… On ne peut appeler route un champ labouré, un gazon raboteux, un sillon tracé dans le sable, un abîme de fange, bordé de forêts maigres et mal venantes ; il y a aussi des encaissements de rondins, longs parquets rustiques où les voitures et les corps se brisent en dansant comme sur une bascule, tant ces grossières charpentes ont d’élasticité. Voilà pour les chemins. Venons aux gîtes. Pouvez-vous qualifier d’auberge un nid d’insectes, un tas d’ordures ? Les maisons qu’on trouve sur cette route ne sont pas autre chose : les murs y suent les bêtes ; le jour on y est mangé aux mouches, les jalousies et les volets étant un luxe méridional à peu près inconnu dans un pays où l’on n’imite que ce qui brille ; la nuit… vous savez quels ennemis attendent le voyageur qui ne veut pas dormir en voiture… Sous un climat où les champs de froment sont des merveilles, le pain blanc n’est pas connu dans les villages. Le vin des auberges ordinairement blanc, et qu’on baptise du nom de vin de Sauterne, est rare, cher et mauvais ; l’eau est malsaine à peu près dans toutes les parties de la Russie ; vous perdez votre santé si vous vous fiez aux protestations