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Je ne puis le nier, je rapporte de mon voyage des idées qui n’étaient pas les miennes lorsque je l’ai entrepris. Aussi ne donnerais-je pour rien au monde la peine qu’il m’a coûtée ; si j’en imprime la relation, ce sera précisément parce qu’il a modifié mes opinions sur plusieurs points. Elles étaient connues de tout ce qui me lira ; mon désappointement ne l’est pas : c’est un devoir que de le publier.

En partant, je comptais me dispenser d’écrire ce dernier voyage ; ma méthode est fatigante, parce qu’elle consiste à retracer pour mes amis, pendant la nuit, mes souvenirs de la journée. Durant ce travail, qui ressemble à une confidence, le public apparaît à ma pensée, mais dans un lointain vaporeux….. si vaporeux que je m’obstine à douter de sa présence ; et voilà pourquoi le ton de familiarité qu’on prend malgré soi dans une correspondance intime se conserve dans mes lettres imprimées.

Quelque légère que puisse vous paraître cette tâche, je ne suis plus assez jeune pour me l’imposer impunément ; une fois l’entreprise commencée, je tiens à la compléter, je ne me permets ni paresse ni négligence : c’est une rude fatigue. Aussi me plaisais-je à penser que je pourrais cette fois voyager pour moi tout seul, c’était le moyen de voir avec

    songes sont ordinairement ensemble raillez. » Rabelais, livre III, chap. V, Pantagruel, p. 209.