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comprendre ce qu’il y a de réel au fond de la politesse. C’est un échange secret de sacrifices volontaires. Rien de plus délicat, on peut dire de plus véritablement moral, que les principes qui constituent l’élégance parfaite des manières. Une telle politesse, pour résister à l’épreuve des passions, ne peut être entièrement distincte de la noblesse des sentiments, que nul homme n’acquiert à lui seul, car c’est surtout sur l’âme qu’influe la première éducation : en un mot, la véritable urbanité est un héritage ; notre siècle a beau compter le temps pour rien, la nature, dans ses œuvres, le compte pour beaucoup.

Jadis un certain raffinement de goût caractérisait les Russes du Midi : et, grâce aux rapports entretenus de toute antiquité, pendant les siècles les plus barbares, avec Constantinople par les souverains de Kiew, l’amour des arts régnait dans cette partie de l’Empire slave, en même temps que les traditions de l’Orient y avaient maintenu le sentiment du grand et perpétué une certaine dextérité parmi les artistes et les ouvriers : mais ces avantages, fruits d’anciennes relations avec des peuples avancés dans une civilisation héritée de l’antique, ont été perdus lors de l’invasion des Mongols.

Cette crise a forcé, pour ainsi dire, la Russie primitive d’oublier son histoire : l’esclavage produit la bassesse, qui exclut la vraie politesse ; celle-ci n’a rien