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térature païenne n’a pas empêché que sa politique, sa religion, sa philosophie, la forme de ses gouvernements, sa manière de faire la guerre, son point d’honneur, ses meurs, son esprit, ses habitudes sociales ne soient à elle.

La Russie elle seule, civilisée tard, s’est vue, par l’impatience de ses chefs, privée d’une fermentation profonde et du bénéfice d’une culture lente et naturelle. Le travail intérieur qui forme les grands peuples, et prépare une nation à dominer, c’est-à-dire à éclairer les autres, a manqué à la Russie ; je l’ai souvent remarqué, dans ce pays, la société, telle que ces souverains l’ont faite, n’est qu’une immense serre chaude remplie de jolies plantes exotiques. Là, chaque fleur rappelle son sol natal, mais on se demande où est la vie, où est la nature, où sont les productions indigènes dans cette collection de souvenirs qui dénote le choix plus ou moins heureux de quelques voyageurs curieux, mais qui n’est pas l’œuvre sérieuse d’une nation libre.

La nation russe se ressentira éternellement de cette absence de vie propre dont elle souffrait à l’époque de son réveil politique. L’adolescence, cet âge laborieux où l’esprit de l’homme assume toute la responsabilité de son indépendance, a été perdue pour elle. Ses princes, et surtout Pierre le Grand, comptant pour rien le temps, l’ont fait passer violemment de