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comparaison, voilà son talent ; l’imitation, voilà son génie ; si néanmoins il paraît doué d’une sorte d’originalité, c’est parce que nul peuple sur la terre n’a jamais eu un tel besoin de modèles ; naturellement porté à observer, il ne redevient lui-même que lors qu’il singe les créations des autres. Ce qu’il a d’originalité tient au don de contrefaire qu’il possède plus que tout autre peuple. Sa seule faculté primitive est l’aptitude à reproduire les inventions des étrangers. Il sera dans l’histoire ce qu’est, dans la littérature, un traducteur habile. Les Russes sont chargés de traduire la civilisation européenne aux Asiatiques.

Le talent d’imiter peut devenir utile et même admirable dans les nations, pourvu qu’il s’y développe tard ; mais il tue tous les autres talents lorsqu’il les précède. La Russie est une société d’imitateurs : or, tout homme qui ne sait que copier tombe nécessairement dans la caricature.

Hésitant depuis quatre siècles entre l’Europe et l’Asie, la Russie n’a pu parvenir encore à marquer par ses œuvres dans l’histoire de l’esprit humain, parce que son caractère national s’est effacé sous les emprunts.

Séparée de l’Occident par son adhésion au schisme grec, elle revient, après bien des siècles, avec l’inconséquence de l’amour-propre déçu, demander à des nations formées par le catholicisme la civilisation