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Les remparts élevés, les hauts édifices très-rapprochés les uns des autres, les rues tortueuses des villes du moyen âge conviendraient mieux que des caricatures de l’antique au climat et aux habitudes de la Russie ; mais le pays auquel les Russes influents pensent le moins, celui dont ils consultent le moins le génie et les besoins, c’est le pays qu’ils gouvernent.

Quand Pierre le Grand publiait, depuis la Tartarie jusqu’en Laponie, ses édits de civilisation, les créations du moyen âge étaient depuis longtemps passées de mode en Europe ; or, les Russes, même ceux qu’on a qualifiés du surnom de grands, n’ont jamais su que suivre la mode.

Cette disposition à l’imitation ne s’accorde guère avec l’ambition que nous leur attribuons, car on ne domine pas ce que l’on copie ; mais tout est contradictoire dans le caractère de ce peuple superficiel : d’ailleurs, ce qui le distingue particulièrement, c’est le manque d’invention. Pour inventer il faudrait de l’indépendance ; il y a de la singerie jusque dans ses passions : s’il veut avoir son tour sur la scène du monde, ce n’est pas pour employer des facultés qu’il a et qui le tourmentent dans son inaction, c’est uniquement pour recommencer l’histoire des sociétés illustres ; son ambition n’est pas une puissance, elle est une prétention : il n’a nulle force créatrice ; la